PINGPONG#9 : la construction de la lettre
Une nouvelle façon d’écrire
à la Renaissance
Alors que les premiers imprimeurs de culture germanique imitent les lettres gothiques des manuscrits médiévaux, l’introduction de l’imprimerie en Italie à partir de 1465 modifie la typographie. Ils se tournent naturellement vers la nouvelle écriture humanistique, le romain, qui puise ses formes dans les capitales monumentales de la Rome antique et la minuscule caroline.
Au XVIe siècle, la recherche d’harmonie passe par la géométrie et le calcul, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture ou de typographie. De nombreux savants tentent d’appliquer à l’alphabet une grille de construction géométrique, semblable à celle utilisée par l’architecte Vitruve (Ier siècle av. J.-C.) et reprise par Léonard de Vinci.
Le traité de Fanti, à la fois calligraphique et typographique, reprend les théories émises par Fra Luca Pacioli (1509), les appliquant aux caractères gothiques et romains. En France, Geofroy Tory est l’auteur d’un Champ-Fleury (1529), aux ambitions similaires. Le peintre, graveur et mathématicien allemand Albrecht Dürer traite de la construction des lettres dans un de ses ouvrages édité par le grand imprimeur-libraire parisien Christian Wechel.
Trajan
Il n’y a pas que les humanistes du XVIe siècle qui se sont inspirés des écritures antiques pour former leurs lettres. Carol Twombly, créatrice de caractères américaine, s’inspire des inscriptions de la colonne Trajane à Rome et crée la police Trajan pour l’entreprise Adobe.
Il semblerait que cette police d’écriture ait fait les beaux jours d’Hollywood. C’est même la seule police à défier les genres cinématographiques, reprise aussi bien pour des comédies romantiques, des films épiques, des films d’horreur ou des séries à très gros budget.
Avez-vous remarqué ? Il n’y a aucune minuscule, car à l’époque les Romains n’écrivaient qu’avec des capitales.
Le travail de Carol Twombly fait partie du module « Women in Type » proposé dans l’exposition icônes by Susan Kare. Décliné en 4 parties, il reprend le nom du projet de recherche mené par Alice Savoie, créatrice de caractères, enseignante en typographie, chercheuse, et également co-commissaire de cette exposition. La deuxième partie de ce module nous présente trois femmes contemporaines de Susan Kare à qui l’industrie typographique doit beaucoup : April Greiman, Zuzana Licko et Carol Twombly.